Éloge du pléonasme
Un correspondant me reproche d’écrire « toile canvas » pour décrire les photographies que je propose sur ma boutique en ligne photolegende.com : “Toile canvas est un pléonasme pour la bonne raison que « canvas » est le mot anglais de « toile » !” me dit-il.
Il n’a pas tort, bien sûr. Mais il faut bien inventer des mots au fur et à mesure des nouveaux produits, concepts ou procédés. Les fabricants utilisent ce mot « canvas » pour désigner des impressions jet d’encre sur toile. Une vraie toile, pas un papier à texture toilée. D’où la tentation de préciser « toile canvas ».
Cela dit, en communication, il ne faut pas avoir peur de la répétition, voire du pléonasme. « En communication », cela veut dire « quand on a besoin de se faire comprendre ».
Le pléonasme, une faute ?
Sur un plan littéraire, le pléonasme est une figure de style par laquelle on redouble une expression pour la renforcer. Cela n’est pas une faute, sauf lorsque c’est inutile.
« Monter en haut » est un faux pléonasme, bien évidemment. Pour différentes raisons. Comme on peut le lire sur wiktionary.org, « en haut » comme « en bas » peuvent jouer un rôle de comparatif. « Tu t’es arrêtée au refuge, ou tu es montée en haut ? ».
J’irai plus loin : « en haut » ou « là-haut » désigne bien souvent « l’étage de la maison ». « Papa est en haut, qui fait du gâteau, maman est en bas, qui fait du chocolat… » D’où l’utilisation domestique de « Monte en haut ! », qui est plus précis que « Monte ! ». Monte sur la chaise ? Sur l’escabeau ? Ou pire ? « Monte en haut », cela signifie bien « Va à l’étage ».
En revanche, « répéter deux fois » porte à confusion. « Il l’a répété deux fois » signifie-t-il au final qu’il l’a dit deux fois ou trois fois ?
La marche à pieds est un exemple plus intéressant sur le plan de la communication. Il y a ici une redondance évidente, mais elle a le mérite de marquer la précision et d’insister à la fois sur l’effort (on marche) et sur la simplicité (juste avec les pieds : comme chacun sait, la meilleure façon de marcher, c’est de mettre un pied devant l’autre et de recommencer).
Pour conclure, le pléonasme est à bannir s’il introduit de la lourdeur. S’il insiste sur une idée importante, s’il clarifie, il faut le conserver, voire le cultiver. Je parle de communication bien sûr (quand on a besoin de se faire comprendre). Maintenant, si vous faites de la littérature, c’est à vous de voir.
Pierre Réguer